Le Livre d’Esther fait partie du canon chrétien de l’Ancien Testament, la version grecque contenant des ajouts qui y font notamment apparaître le Nom de Dieu, absent, comme on sait, de la version hébraïque.
La littérature chrétienne en tire un parallèle entre la Reine Esther et la Vierge Marie. Voici ce qu’on peut lire, par exemple, ici : << La vertueuse Esther, qui est choisie entre mille pour être l’épouse d’Assuérus et qui obtient le salut de son peuple, est une figure de la Bénie Vierge Marie qui mérita, par son humilité, d’être choisie pour être la Mère de Dieu, qui sauva l’humanité en nous donnant le divin Rédempteur et ne cesse d’intercéder en notre faveur auprès du Roi du Ciel. >>
Voir, pour un exposé détaillé, le site de la Famille Missionnaire de Notre-Dame.
Les murailles de Jéricho
Le point commun, qui justifie ce parallèle, est l’idée de Salut : la Vierge Marie donne naissance à l’Enfant nommé Yeshou’a, Sauveur. Et la Reine Esther « sauve » de l’extermination le peuple juif en exil. Mais ni le nom ou le verbe Yeshou’a n’apparaissent, pas plus que le Nom de Dieu, dans le texte hébreu. Sauf …
À la fin du texte (9, 19) la fête de Pourim, au 14 Adar, est instituée pour « les Juifs de la campagne, qui habitent des villes sans murailles« . Or le verset 21 prescrit de célébrer chaque année et le 14 et le 15 Adar ; les Rabbins ont donc déduit que Pourim avait été célébrée le 15 Adar dans les villes fortifiées, « ceintes de murailles depuis l’époque de Josué fils de Noun« , et qu’en souvenir Pourim serait célébrée le 15 Adar à Jérusalem.
Que vient faire Yehoshu’a, « Yah sauve », dans cette histoire ? Josué avait été ainsi nommé par Moïse, quand celui-ci l’avait envoyé explorer le pays de Canaan. Devenu le chef des Enfants d’Israël, il envoie à son tour deux espions reconnaître Jéricho, la ville fortifiée, verrou de la Terre promise (Josué 2). Ceux-ci sont hébergés par une prostituée nommée Rahab ( « large », comme on dit qu’une femme est « grosse »). Le roi de Jéricho lui demande de les lui livrer. Au contraire, elle les fait monter sur le toit et les cache sous des tiges de lin. Autrement dit, cette femme connaît, au sens biblique bien sûr, deux hommes la même nuit.
Comme toute femme ayant eu un rapport sexuel, elle se demande s’il a été fécond, si elle est ou non enceinte, en état de « grossesse », et reste dans l’expectative, dans les mains de la Providence. Elle espère ne pas attendre d’enfant, pour ne pas avoir à se demander qui est le père. Elle compte donc avec angoisse les jours de retard de ses règles. Justement les sonneries des trompettes des Hébreux qui font le tour des murailles scandent les jours ; et Rahab habite dans la muraille. Un jour, deux, trois, quatre, cinq, six, sept : le septième jour, plus de doute : toujours pas de règles : Rahab comprend qu’elle tombe enceinte quand tombe l’enceinte !
Lequel des deux espions est le père ? Dans le Livre de Josué, Rahab n’a pas explicitement d’enfant et les deux espions sont anonymes. Mais dans la généalogie qui ouvre l’Evangile de Matthieu, Rahab apparaît dans la lignée messianique : elle est la mère de Booz : “Salmon engendra Booz de Rahab ; Booz engendra Obed de Ruth” (Matthieu 1, 5).
Ceci pour dire que la distinction surprenante des villes fortifiées et des villes de la campagne est une métaphore qui distingue, dans la perspective juive, les femmes « enceintes », porteuses éventuelles du Messie, de celles qui ne le sont pas – et dans la perspective chrétienne, la Vierge Marie, enceinte du Christ Jésus, de toutes les autres, enceintes ou non, …
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