Une mine de papyrus

« La Cité du poisson au nez pointu. Les trésors d’une ville gréco-romaine au bord du Nil« , de Peter Parsons. Jean-Claude Lattès, 376 p. 2009
Critique par Maurice Sartre

LE MONDE DES LIVRES | 16.07.09 |
Plongée dans une mine de papyrus

Le 11 janvier 1897, deux jeunes Anglais, Bernard Grenfell (27 ans) et Arthur Hunt (26 ans), qui parcouraient la région depuis quelques semaines à la recherche d’éventuels papyrus, s’attaquèrent à un monticule en léger relief près d’el-Bahnesa, village quelconque de la vallée du Nil un peu au sud du Fayoum. Très vite apparurent des liasses de papyrus (ils en emportèrent 280 caisses au terme de cette première campagne !), sur le dessus desquels ils surent déchiffrer très vite des logia, c’est-à-dire des paroles de Jésus, jusque-là inédits. Sans le savoir encore, ils venaient de découvrir un évangile apocryphe inconnu, l’Evangile de Thomas, et, surtout, de lancer une aventure qui, plus d’un siècle plus tard, est bien loin de s’achever. Car, quatre autres campagnes, durant les hivers 1903-1904 à 1906-1907, permirent d’aller plus avant dans l’exploration de ce qui n’était qu’un tas d’ordures, et des centaines de caisses supplémentaires, fabriquées à la hâte sur place avec les moyens du bord, partirent rejoindre à Londres les découvertes de 1897. Si nos deux héros assurèrent seuls dès 1898 la publication d’un premier volume tiré de leurs trouvailles (le tome 72 est paru en 2008), bientôt une équipe les rejoint et la publication des papyrus d’Oxyrhynchos – car tel était le nom grec de la ville antique, celui du poisson au nez pointu – reste l’une des entreprises scientifiques majeures dans le champ des études sur l’Egypte gréco-romaine.

Peter Parsons, associé de longue date à ce travail de bénédictins, retrace avec entrain non seulement l’histoire de la découverte, mais aussi ce que l’on tire de ces milliers de papyrus pour l’étude d’une ville d’Egypte sous les dominations grecque puis romaine. Car la variété des découvertes est infinie : livres de comptes, contrats de location ou de mariage, bordereaux comptables et fiscaux, lettres privées, oeuvres littéraires garnissant les demeures des notables cultivés. C’est ainsi que furent retrouvés nombre de textes classiques connus et surtout perdus, comme les comédies de Ménandre, ou inconnus, comme ce récit historique du IVe siècle av. J.-C., fragmentaire et anonyme, que l’on nomme les Helléniques d’Oxyrhynchos. D’autres villages d’Egypte ont livré depuis de riches fonds documentaires, mais aucun n’a la richesse de celui d’Oxyrhynchos.

Par l’exploration minutieuse de cette seule ressource, Parsons fait découvrir au lecteur l’ensemble de la vie de l’Egypte entre l’époque d’Alexandre et le triomphe du christianisme, comme si Oxyrhynchos en réunissait à elle seule tous les aspects. Et il apporte la preuve, une fois de plus, que lorsque l’historien maîtrise à ce point les sources qui gardent la trace de multiples histoires fragmentaires, il peut brosser une vaste synthèse sans jamais risquer l’ennui.

Maurice Sartre

LA CITÉ DU POISSON AU NEZ POINTU. LES TRÉSORS D’UNE VILLE GRÉCO-ROMAINE AU BORD DU NIL de Peter Parsons. Traduit de l’anglais par André Zavriew. Jean-Claude Lattès, 376 p., 22 €.

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La Bible hébraïque présentée, traduite (8 versions) sur JUDÉOPÉDIA
et commentée sur son blog

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