Une bonne blague
La réputation d’Hérode, massacreur d’enfants, est ancienne. Macrobe, au 4ème siècle, cite ce « bon mot » d’Auguste :
Ayant appris que, parmi les enfants de deux ans et au-dessous qu’Hérode, roi des Juifs, avait fait massacrer en Syrie, était compris le propre fils de ce roi, il dit : Melius est Herodis porcum esse quam filium. « Il vaut mieux être le porc d’Hérode que son fils. »
Il s’agit manifestement d’une blague antisémite : les Juifs sont réputés ne pas manger de porc, Hérode est roi des Juifs, il n’abat donc pas de porcs mais il assassine les enfants, y compris le sien.
Auguste avait toutes raisons de savoir qu’Hérode était « roi des Juifs ». C’est Rome, du temps d’Antoine et César, qui avait octroyé le titre à ce général iduméen, qui avait chassé la dynastie des Hasmonéens du trône de Judée. Lisons Flavius Josèphe :
<< Antoine fut touché de compassion au récit de ces vicissitudes ; le souvenir de la généreuse hospitalité d’Antipater (père d’Hérode), et, en général, le mérite du suppliant lui-même lui inspirèrent la résolution d’établir roi des Juifs celui qu’il avait auparavant lui-même fait tétrarque. (…) Il trouva César encore mieux disposé que lui (…) Il rassembla donc le Sénat, auquel Messala et après lui Atratinus présentèrent Hérode : ils exposèrent les services rendus par son père, la bienveillance du fils envers les Romains (…). A ces paroles, le Sénat s’émut, et quand Antoine s’avança pour dire qu’en vue même de la guerre contre les Parthes, il était avantageux qu’Hérode fût roi, tous votèrent dans ce sens. Le Sénat se sépara, et Antoine et César sortirent ayant Hérode entre eux ; les consuls et les autres magistrats les précédèrent au Capitole pour sacrifier et y consacrer le sénatus-consulte. Le premier jour du règne d’Hérode, Antoine lui offrit à dîner. >>
Quant à Octave, devenu Auguste, il avait eu à connaître lui-même des démêlés de Hérode avec deux des fils de ses nombreuses femmes, qu’il joue les uns contre les autres. On se perd dans le récit de Flavius Josèphe, dont voici un extrait :
<< Alors Hérode, sa patience à bout, fit mettre aux fers ses deux fils, les isola l’un de l’autre et envoya en hâte auprès d’Auguste le tribun Volumnius et Olympos, un de ses amis, porteurs d’un réquisitoire écrit contre les princes. Arrivés à Rome, ils remirent les lettres du roi à l’empereur ; celui-ci, vivement affligé du sort des jeunes gens, ne crut pas cependant devoir enlever au père ses droits sur ses fils. Il répondît donc à Hérode qu’il était le maître, que, cependant, il ferait bien d’examiner ce complot avec le conseil commun de ses propres parents et des administrateurs romains de la province : si les princes étaient convaincus de crime, ils méritaient la mort ; si leur seul dessein avait été de s’enfuir, une peine plus douce suffisait. >>
En somme, Rome jouait alors le rôle que joue aujourd’hui le Conseil de sécurité à New-York ou le Président des Etats-Unis à Washiongton auxquels on demande d’arbitrer la moindre crise survenant à Jérusalem. L’humour d’Auguste s’explique : Hérode était bien capable de faire exécuter ses fils. De là à assassiner des enfants de moins de deux ans, il y faut , avons-nous vu, un midrash sur l’ordre d’extermination des petits garçons par le Pharaon de Moïse, combiné avec le rêve du Pharaon de Joseph. Et pour perdre son propre premier-né, il en faut un autre, sur le cas du Pharaon de la Dixième Plaie d’Egypte.
Dans un pieux récit du Massacre des Innocents se combinent Flavius Josèphe et le récit de Matthieu, avec des références à Eusèbe de Césarée (265-340) repris par Sozomène, que Macrobe pouvait connaître. On comprend mieux comment se forma et se maintint sa réputation de massacreur d’enfants.
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