Le modèle social français à rebâtir, c’est l’Etat Providence, plus l’informatisation du pays tout entier.
Depuis 1975, les « trente piteuses » ont vu le « modèle social français » fonctionner à l’envers ; le chômage a explosé, le gouffre de la Sécu s’est creusé, les inégalités scolaires se sont aggravées, le système politique par lequel De Gaulle pensait restaurer la grandeur et l’unité de la France a eu pour résultat désastreux de la couper en deux. Sombrant dans une schizophrénie dépressive accentuée, elle s’est alors mise à se chercher des boucs émissaires – l’Amérique et l’Union européenne, par exemple – et à s’imaginer devoir expier ses turpitudes passées, colonialisme et collaboration avec le fascisme.
La France mérite mieux. La guerre froide est terminée, le niveau d’information et de compétence de la population s’est accru. Le modèle social français doit être adapté aux temps présents, ceux de l’Internet et du téléphone mobile. Réintégrons la Sécurité sociale dans les domaines de compétence du pouvoir politique, sous le contrôle du Parlement et des Assemblées locales et régionales élues. En compensation, augmentons loyalement la représentativité et la capacité de négociation des syndicats, et invitons-les à la défense des intérêts de leurs mandants plutôt qu’à des combinaisons d’appareil. Les subventions publiques et autres aides de fonctionnement (mise à la disposition de locaux, prise en charge de salaires) ont évidemment pour contrepartie la publication régulière des comptes et de l’évolution du nombre d’adhérents.
Le Conseil économique et social est un organisme constitutionnel, où sont représentées les fédérations syndicales, les associations professionnelles, mutualistes et familiales, et qui a vocation à être la grande enceinte des discussions sur le budget de la Sécurité sociale. De même que le Sénat est l’assemblée où convergent les préoccupations et les arbitrages concernant les collectivités locales, le Conseil économique et social est celle où doivent converger les préoccupations et les arbitrages concernant les syndicats et grandes associations. L’analogie avec le Sénat s’étendra au mode d’élection des Conseillers, qui seront élus au suffrage indirect par des collèges de syndicalistes et de responsables d’associations eux-mêmes élus par la « base ». Ainsi le monde syndical et le monde associatif redeviendront des voies privilégiées de « l’ascenseur social » régionalisé, où s’affirmeront et se confronteront les talents, indépendamment des origines sociales et ethniques, et des affiliations philosophiques, politiques ou religieuses.
Dans le système représentatif à rebâtir, l’Assemblée Nationale gardera évidemment le dernier mot et la prééminence. Son mode d’élection, scrutin uninominal à deux tours, entré dans les habitudes, n’a pas à être modifié. Le nombre et le découpage des circonscriptions, cependant, sera régulièrement mis à jour, sur la base du recensement de la population et selon des règles claires et publiques contrôlées par le Conseil constitutionnel. Une autre retouche concernera les élections triangulaires, qui n’ont pas à être proscrites ; les électeurs y classeront les trois candidats, selon leur ordre de préférence.
La nationalité donne le droit de vote national, élire les députés à l’Assemblée nationale. Mais pour les élections municipales, c’est le critère de résidence qui est central ; que le paisible habitant d’une bourgade puisse acquérir le droit de participer à la gestion des affaires locales, indépendamment de sa nationalité, va de soi. Pour les élections professionnelles, le critère est de même le statut professionnel. Les résidents et travailleurs étrangers, réfugiés ou apatrides peuvent donc acquérir, selon des règles simples et publiques, le droit de vote local ou professionnel, qui peut faciliter ensuite, s’ils le désirent, leur accès à la nationalité.
A ces Assemblées locales, régionales et nationales, il faut soumettre des débats clairs aux enjeux explicites. A cette fin seront consolidés les comptes de l’Etat et de la Sécurité sociale, ce qui aura comme effet de rendre les discussions budgétaires, et les feuilles de paye, enfin compréhensibles. Le coût de la santé publique sera par exemple directement comparé à ceux de la Défense ou de l’Education Nationales. Chaque foyer pourra comparer ce qu’il reçoit – y compris sous forme de soins médicaux et hospitaliers ou d’enseignement public – à ce qu’il paye, y compris sous forme de retenues à la source et d’impôts indirects. Et le Gouvernement sera tenu de faire connaître aux députés la répartition de l’ensemble des « prélèvements obligatoires » selon les revenus et la configuration familiale.
La première réforme d’envergure qui découlera de cette consolidation sera la fusion des allocations familiales dans la fiscalité, nationale et locale. Les allocations familiales sont en effet, avant la lettre, une forme d’« impôt négatif », comme la prime pour l’emploi, dont le montant ne dépend que de la configuration familiale et du revenu du foyer pour l’application de diverses « conditions de ressources » .
Une autre réforme consistera à fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG proportionnelle, dont le rendement a désormais dépassé celui du premier. Le barème devenu commun devra être révisé, de façon à annuler l’impôt payé par les revenus les plus bas. Les services des contributions directes partageront la tâche avec les actuelles caisses d »allocations familiales : en gros, comme aujourd’hui, les premières percevront les impôts « positifs », tandis que les secondes verseront les « impôts négatifs » et continueront d’administrer le R.M.I. et autres « minima sociaux ».
Le modèle social français à rebâtir, c’est l’Etat Providence, plus l’informatisation du pays tout entier. L’avance technologique dont dispose la France en matière de gestion de fichiers de masse, de cartes à puce et de systèmes de sécurité informatiques doit être mise au service de la collectivité. Il faudra veiller évidemment à ne pas réserver les ordinateurs aux foyers qui en ont les moyens mais à en doter les bureaux de poste, les écoles, collèges et lycées, et de multiples agences de proximité, où chacun, « branché » ou non, pourra venir s’informer et consulter ses dossiers personnels, fiscaux et sociaux
Cette réorganisation décentralisée des grands fichiers de l’assurance-maladie, des caisses de retraite, du chômage, de l’immigration… sera la grande affaire du ministère des Affaires sociales, redevenu « ministère de la Population », sous le contrôle du Conseil économique et social rénové. Elle sera fondée sur des recensements périodiques des assurés sociaux et aura trois fonctions essentielles :
– personnaliser le mieux possible l’administration générale en adaptant à chaque cas particulier des règles aussi simples et générales que possible ;
– soumettre aux Assemblées locales, régionales et nationales des comptes et des budgets clairs, de façon que la presse et le public puissent en suivre les débats et participer intelligemment aux campagnes électorales (par exemple, comment financer l’allocation au premier enfant ?) ;
– produire une information démographique et statistique élaborée, et mettre à la disposition du corps enseignant et des relais médiatiques la documentation nécessaire à l’instruction civique et morale des futurs citoyens électeurs.
L’essentiel est d’ordre psychologique. Il s’agit de redonner aux Français et futurs Français pleinement confiance en la France et ses institutions, de les rassembler dans une saine émulation avec les autres pays développés autour des grandes causes du 21ème siècle : stabilisation de la population mondiale, intégration de la Chine, de l’Inde, de l’Afrique, de l’Amérique latine ; dans le concert des nations, organisation des migrations internationales, gestion des ressources énergétiques et du réchauffement climatique ;
Et les religions ? Arrêtons de les croire indépendantes les unes des autres. On ne peut en parler que comme d’un continuum (un itinéraire, dit Régis Debray) dont les articulations historiques, juridiques, philosophiques sont essentielles. Les religions ne sont ni des opinions, ni des « confessions » interchangeables ; le fait religieux n’est pas différent du fait politique, dont l’histoire doit être enseignée. Confrontée à l’islam comme elle le fut au judaïsme, la laïcité française doit reposer, non sur la seule tolérance, mais sur la connaissance et sur le droit.
Le droit de résidence et le droit de cité s’acquièrent et l’Etat est légitime à imposer des conditions. S’établir en France, c’est reconnaître le non-musulman ; c’est aussi reconnaître le droit des musulmans à quitter l’Islam ; c’est enfin reconnaître la liberté et les droits de la femme, son droit à divorcer, à contracter mariage avec qui bon lui semble. C’est aussi distinguer les musulmans français et étrangers. Il n’y a aucun mal à être étranger en France. Mais avoir la nationalité française, c’est aussi avoir le droit de vote, donc participer à l’élaboration de nouvelles lois ou à la modification des anciennes. Entre autres lois, celles de l’acquisition de la nationalité.
L’informatique ouvre aujourd’hui des horizons prodigieux. Nous pouvons imaginer, dans quelques générations, un monde d’Etats de droit, dotés chacun d’un état civil, gérant les migrations internationales, peuplés d’une dizaine de milliards de Terriens sachant lire et écrire, ayant accès à des cartes de crédit, commerçant grâce à un système monétaire international convenablement régulé et disposant d’une protection sociale minimale contre les aléas de l’existence. Sans doute reste-t-il beaucoup à faire pour inventorier les besoins mondiaux d’alimentation, de santé et d’éducation et mesurer les moyens humains, matériels, financiers, que les pays riches devront consacrer aux pays pauvres et aux peuples sans Etat, ainsi qu’à la résorption des camps de réfugiés, qui sont la honte de l’humanité.
Commençons donc par mettre de l’ordre dans nos propres budgets et systèmes de sécurité sociale. Puis remettons la Bible au programme. Mettons à la disposition des enseignants d’une information sérieuse sur les croyances et pratiques religieuses, sur les calendriers, sur les textes religieux, leurs langues et alphabets, sur les arguments de la loi hébraïque, de la prédication évangélique, de la contestation coranique. Une révolution culturelle est nécessaire, qui aboutisse enfin à la rédaction, au temps de la mondialisation et du « socle commun », des manuels laïques d’instruction civique, morale et religieuse.
La Bible hébraïque présentée, traduite (5 langues, 8 versions) et commentée sur JUDÉOPÉDIA
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