Comprendre les origines du Christianisme
De l’eschatologie juive au midrash chrétien
Editions des Nouveaux Savoirs
Dans »Un étranger sur le toit », Maurice Mergui avait montré que la conversion des païens « à la fin des temps » était un thème central des narrations évangéliques. Dans ce nouvel essai, il étend sa réflexion à l’ensemble de l’eschatologie et soumet à l’épreuve un apocryphe, Les Actes de Thomas, un ouvrage de l’Eglise primitive, Le Pasteur d’Hermas, et quelques passages des Epîtres de Paul.
Le résultat est tout à fait probant. La comparaison systématique de l’hébreu sous-jacent du Nouveau Testament aux ouvrages et paraboles midrashiques renouvelle complètement le sens de l’élaboration évangélique, au point que Mergui en vient à écrire (p. 121) : << L’Evangile est un midrach sur les Prophètes. Curieusement, un tel midrash n’existe pas dans le judaïsme, il fait défaut et ce n’est peut-être pas fortuit>>. Et de fait, on connaît les Midrach Rabba sur les Livres du Pentateuque et sur les Rouleaux (Ruth, Esther, Cantique des Cantiques, Ecclésiaste, Lamentations, Proverbes)… mais non sur les Prophètes.
Fort de cette découverte, Mergui ironise sur les efforts de Françoise Dolto pour soumettre L’Evangile au risque de la psychanalyse (Seuil), puis amorce une piquante réflexion sur le rôle de l’eschatologie – le refoulé du politique – dans diverses circonstances historiques : la conversion de Constantin, la Byzance de Justinien, l’Islam et ses schismes, la dissidence qaraïte, le millénarisme de Thomas Münzer, l’aventure de Sabbataï Tsvi, la Révolution française, le messianisme marxiste…
Mergui sait d’expérience que son essai n’aura que peu d’écho. Il est lui-même son propre éditeur, le terrain est verrouillé par les chapelles, c’est le cas de le dire, et par les spécialistes : <<Toute tentative de synthèse est considérée comme le fait d’un amateur ou d’un illuminé, et toujours comme un casus belli, une intrusion hostile dans le domaine réservé d’un confrère. Vous pouvez vous spécialiser dans les Apocryphes, les datations de textes, la théorie des sources, la narratologie biblique, mais surtout ne vous mêlez pas du reste.>> écrit-il avec quelque amertume.
Je tempérerai son pessimisme par une lueur d’espoir : il me semble qu’il a un allié de poids, le Pape en personne. Si quelqu’un semble avoir compris en quoi le christianisme procède du midrash hébraïque, c’est Benoît XVI.
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