Tribune parue dans Le Monde du 2 février 1996, en réponse à Danièle Sallenave, qui avait regretté, au nom de la laïcité républicaine, la cérémonie de funérailles de François Mitterrand à Notre-Dame de Paris.
MAIS si, Danièle Sallenave, les juifs, les musulmans, les agnostiques et les athées, les Français comme les étrangers, étaient là, « en symbiose », émus et recueillis, dans Notre-Dame, sur le parvis, devant leur télévision, lors des obsèques nationales de François Mitterrand. Ce n’était pas l’enterrement de la laïcité. S’édifiait là, tout au contraire, la religion de la République, celle qui respecte la loi et toutes les croyances qui ne lui sont pas contraires, celles des morts et des vivants, celles des bâtisseurs des cathédrales et des habitants de nos banlieues. Puisque François Mitterrand avait indiqué : « Une messe est possible », Jacques Chirac se devait de présider une cérémonie d’inspiration catholique, tout comme, dans des circonstances comparables (la violence en moins à Paris), il avait assisté à Jérusalem à une cérémonie d’inspiration juive, où le discours de la petite-fille du défunt, Itshaq Rabin, fut très émouvant, quoique non orthodoxe.
Cette religion de la République, il y a longtemps qu’elle est en chantier. Rappelons que « les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale (…) ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme (…). En conséquence, I’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Etre suprême… » (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen).
Reste cependant à corriger deux siècles d’« antibiblisme primaire ». C’est devenu un scandale qu’on puisse faire de bonnes études en France sans entendre jamais parler de Moïse, Salomon, Isaïe, saint Paul, saint Augustin, Mahomet.
Au lieu que Spinoza, né juif, excellent connaisseur de la langue et de la grammaire hébraïques, serve de référence, c’est Voltaire, hélas ! qui fut le maître à penser de la République. L’Ecriture sainte a été en France confondue avec les productions de la superstition, et l’enseignement religieux abandonné au quasi-monopole du catholicisme romain. Tout s’est passé comme si la République française avait censuré la Bible. Les passions anticléricales de la Révolution ont jeté l’enfant avec l’eau du bain, la religion avec la superstition, Dieu avec le Diable. Il semble bien que Danièle Sallenave appartienne à cette école « ultralaïque ».
Il en est d’autres inversement qui, terrifiés par les excès auxquels les passions antireligieuses ont conduit les nazis et les léninistes, tombent aujourd’hui dans l’excès contraire et n’osent plus distinguer ce qui relève de la foi et de la connaissance. Par exemple, les médias ont parlé à Noël de « Bethléem, ville natale du Christ », sans ajouter de réserve comme « selon les Evangiles », ou « dans la tradition chrétienne ».
Maintenant que le pape a reconnu que la Trinité franc-maçonne et républicaine, Liberté, Egalité, Fraternité ne contredit nullement la Trinité chrétienne Père, Fils, Esprit pourquoi ne pas les étudier l’une et l’autre ? Pourquoi l’école ne réussirait-elle pas ce que la télévision et la radio font le dimanche matin ? Réserve-t-on aux juifs l’émission juive et aux catholiques la messe dominicale ? Créons un cours d’instruction civique et religieuse commun à tous les élèves de la République. Et étendons aux autres cultes la « prière pour la République française » qu’on récitait naguère tous les samedis matins dans les synagogues :
Dieu Eternel, maître du monde, ta providence embrasse les cieux et la terre ; la force et la puissance t’appartiennent ; par toi seul tout s’élève et tout s’affermit. De ta demeure sainte, ô Seigneur, bénis et protège la République française et le peuple français. Amen.
Que la France vive heureuse et prospère ; qu’elle soit forte et grande par l’union et la concorde. Amen.
Que les rayons de ta lumière éclairent ceux qui président aux destinées de l’Etat et qui font régner dans notre pays l’ordre et la justice. Amen.
Que la France jouisse d’une paix durable et conserve son rang glorieux au milieu des nations. Amen.
Accueille favorablement nos voeux ; que les paroles de nos lèvres et les sentiments de notre coeur trouvent grâce devant Toi, ô Seigneur, notre Créateur et notre Libérateur. Amen.
Ce texte est un peu « rétro », d’accord. Mais enfin, pourquoi le cardinal Lustiger ne l’aurait-il pas lu à Notre-Dame ? Et pourquoi les professeurs ne l’auraient-ils pas commenté dans les écoles ?
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