Je me suis intéressé au Contrôleur général Carmille dès mon entrée à l’INSEE en 1962. Je lui ai consacré les pages 26 à 28 de mon livre « L’Information statistique » (Seuil, 1975). Mais je centrais mon propos sur la mobilisation clandestine et la création de Directions régionales, calquées sur les Régions militaires, sans insister du tout sur le « numéro de Français ».C’est parce que j’avais écrit par erreur dans ce livre qu’il était mort à Dachau « diabétique » que Robert Carmille prit contact avec moi. Je me suis efforcé depuis de lutter avec lui contre les soupçons qui entachent sa mémoire. C’est moi qui, dans les années 1970, avec l’aide de mon collègue le regretté Guy Neyret, alors Directeur régional de l’INSEE à Clermont-Ferrand, ai réuni les témoignages démontrant que Carmille avait saboté la demande d’ « identification » mécanographique du fichier du CGQJ. Cet épisode passait inaperçu, alors que l’opinion publique s’avisait que le « numéro de Sécurité sociale », d’usage devenu universel, avait pour origine un code créé « sous Vichy ». Nos premières batailles datent de 1974, quand le « projet Safari » du ministère de l’Intérieur fut révélé par Le Monde, dans un article intituléSafariou la chasse aux Français. La polémique qui suivit ne fut apaisée que par la création en 1978 de la « Commission nationale de l’informatique et des Libertés » (CNIL), mais les soupçons concernant Carmille perdurèrent.
Ce qui lui était principalement reproché était d’avoir introduit en 1941 une question n° 11 « Êtes-vous de race juive ? » dans le « recensement AP » et d’avoir fait simultanément des offres de service à Xavier Vallat, directeur du CGQJ, pour identifier mécanographiquement le fichier du CGQJ. Un autre soupçon apparut ensuite, quand il s’avéra que des nomenclatures du numéro d’identité, proposées à Alger, introduisaient en première colonne des codes distinguant les Juifs et les Indigènes.
Les rapports Rémond et Azéma
La polémique redevint publique en 1991, lorsque Serge Klarsfeld crut découvrir le fichier juif de la préfecture de Police dans les archives du secrétariat d’État aux anciens combattants. Les codes du SNS de René Carmille, ancêtre de l’INSEE, furent à nouveau mis en cause par des journaux avides de sensationnalisme. Deux rapports furent alors commandés et publiés à deux ans de distance :
– celui d’un historien réputé, René Rémond, missionné par le ministre Jack Lang,
– puis celui d’une équipe composée par l’historien Jean-Pierre Azema, l’ancien secrétaire général de l’INSEE Raymond Lévy-Bruhl et la jeune historienne Béatrice Touchelay, équipe missionnée par Jean‑Claude Milleron, directeur général de l’Insee.
Ces deux missions furent l’occasion d’une investigation sur le système statistique français pendant l’Occupation. Robert Carmille et moi étions confiants que ces deux rapports feraient éclater l’innocence absolue de René Carmille et de son SNS, qui n’avaient trempé en rien dans l’organisation ni des « rafles » et déportations de Juifs, ni dans leur spoliation, les seuls fichiers utilisés par la Gestapo et la police française étant des fichiers manuels, imités du « fichier Tulard » de 1940.
Nous étions naïfs. Ces deux rapports aboutissaient à la condamnation du SNS et de René Carmille. Ce dernier aurait collaboré en raison, selon Jean-Pierre Azéma, d’« un légalisme, voire d’un souci de l’ordre, qui lui faisait admettre, en l’occurrence, le bienfondé de l’antisémitisme d’État et sa législation, ce qui a pu avoir tout au long de ces années sombres, comme on le sait, des conséquences et des retombées particulièrement néfastes ». Les rapporteurs voulaient ne croire qu’aux quelques documents parcellaires retrouvés dans les archives de l’Insee et refusaient toute référence à des témoignages oraux, d’autant plus suspects que ceux-ci étaient rapportés par le fils même de René Carmille. Surtout l’idée que René Carmille avait tout un passé d’officier du 2ème bureau, et qu’il ait pratiqué le « leurre » pour tromper à la fois l’ennemi et les partisans de la collaboration, leur était tout à fait étrangère.
Toujours est-il que Robert Carmille protesta en rédigeant et en diffusant deux brochures ronéotées
* Des apparences à la réalité: le « fichier juif ». Rapport de la commission présidée par René Rémond au Premier ministre: mise au point par Robert Carmille (1996)
* Les services statistiques français pendant l’Occupation (2000)
Il eut quelques réponses polies, personne ne pouvant nier que René Carmille ait été arrêté par la Gestapo pour faits de résistance et soit mort déporté à Dachau, mais on en resta là. Moi-même, je récapitulais mes connaissances dans une conférence à l’INED, le 20 septembre 2000, sous le titre « Le numéro INSEE : de la mobilisation clandestine (1940) au projet Safari (1974) » J’y disais en particulier, à propos du dépouillement mécanographique du ficher du CGQJ : «[Carmille] fit si bien que le chiffrement demandé par Xavier Vallat n’aboutit, après trois ans d’atermoiements, qu’à un “ état numérique des Juifs français et étrangers recensés en juin 1941 ”, en exemplaire unique, qui n’était pas terminé en février 1944, lors de l’arrestation de Carmille. Ce document fut retrouvé à l’INSEE par M. Marcel Croze et je l’ai légué en 1980 au Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), rue Geoffroy l’Asnier, où il peut être consulté.
IBM et l’Holocauste
En février 2001 parut en France le livre d’Edwin Black, IBM et l’Holocauste (Robert Laffont). C’était un « coup de librairie ». Edwin Black est un journaliste, et non un historien. Il dénonçait l’implication de la Dehomag, filiale allemande d’IBM, et de ses machines mécanographiques dans l’organisation de la Shoah, et faisait quasiment d’IBM un complice des nazis. Black avait rencontré Robert Carmille en préparant son livre et cite sa brochure de 1995. Le chapitre 11, intitulé « La France et la Hollande », compare l’utilisation systématique des machines de la Dehomag en Hollande, où la proportion de Juifs assassinés fut de 73%, à la pagaille des fichiers manuels utilisés en France, accentuée, dit-il, par le refus de Carmille d’utiliser ses machines Bull pour identifier les Juifs, où cette proportion fut d’environ 25 %. Le récit concernant la France est pour le moins confus. P. 371-372, Black cite in extenso, la lettre du 18 juin 1941 où Carmille fait des offres de service à Xavier Vallat. Il conclut : « René Carmille (…) fut honoré à titre posthume pour ses hauts faits patriotiques, mais l’exploit qu’il a accompli en limitant spectaculairement le nombre des victimes juives en France n’ a jamais été véritablement reconnu. Il a même été, parfois, été contesté » (p. 382).
L’accueil des spécialistes fut froid. Dans la critique du livre de Black du Monde du 13 février 2001, intitulé « Un beau sujet gâché », Annette Wieworka, historienne respectée de la Shoah, démolit point par point l’argumentation de Black. Sur la France, elle écrit : « On comprend mal d’abord l’accumulation d’erreurs factuelles grossières, alors que les vérifications ne nécessitent pas la mobilisation clandestine de hordes de vérificateurs. (…) Sur Carmille, Black n’apporte aucun élément nouveau. Alors que l’homme est controversé (…), Black en fait un personnage jouant double jeu. Il aurait proposé ses services à Vichy en juin 1941 pour tromper l’ennemi. Il n’aurait jamais eu l’intention de livrer les juifs. Black attire à nouveau l’attention sur un homme qui mériterait une vraie biographie. En revanche, nul ne peut admettre une conclusion qui gomme l’ensemble des facteurs historiques capables de rendre compte du sort contrasté des juifs de France et des juifs hollandais. »
Pour ma part, j’étais pris à contre-pied. Alors que je m’efforçais jusque là de simplement exonérer Carmille de toute participation, même indirecte, aux rafles, déportations et spoliations de Juifs, voilà que je devais démentir qu’il ait pu « limiter spectaculairement le nombre des victimes juives en France », qu’il y avait là un amalgame. René Carmille avait certainement sauvé de nombreux juifs, ainsi que de nombreux résistants en leur fournissant de fausses cartes d’identité, dès 1942, et surtout en 1943. Mais en 1941, son sabotage du dépouillement mécanographique du CGQJ, avéré, indéniable, avait peut-être gêné, retardé, empêché quelques spoliations, mais non pas rafles ni arrestations.
La brochure Jacquey
Mais entre temps un nouveau témoignage, très favorable à Carmille, était apparu, celui de Xavier Jacquey, fils de Pierre Jacquey, officier qui, après l’Armistice, avait été l’adjoint, on peut dire le complice, de René Carmille. Xavier Jacquey, lui-même psychanalyste, fit circuler une brochure de 71 pages intitulée « De la statistique au camouflage. Une administration résistante », achevée en juillet 2002 mais qui n’a été mise en ligne qu’en 2015, et dont voici le début :
<< Mon père, pendant l’Occupation, était un proche collaborateur du Contrôleur général CARMILLE, l’inventeur en France de la statistique administrative, l’inventeur du fameux numéro à 13 chiffres de la Sécurité Sociale. Et, de tradition familiale, je savais que ce numéro avait été créé d’abord pour permettre la préparation d’une mobilisation clandestine à l’aide de machines mécanographiques, ces machines à cartes perforées ancêtres de nos ordinateurs, ces machines BULL et IBM (ou HOLLERITH comme on préférait dire à l’époque), ces machines dont pour, ce qui est des IBM, Edwin BLACK a écrit qu’elles auraient tristement aidé à la solution finale. Bref, je savais que mon père et ses compagnons, et en premier lieu René CARMILLE, (…) avaient fait maints faux papiers, su résister au STO, sauvé beaucoup de Juifs… >> Un peu plus loin, il dit sa stupéfaction devant le rapport Azéma qui remet « en cause toute cette histoire héroïque.( …) Le service de CARMILLE, l’ancêtre de l’INSEE, ce Service de la Démographie devenu en octobre 1941 Service National des Statistiques, n’avait été qu’un triste et banal serviteur de Vichy. »
Il s’étend alors sur les activités clandestines du prétendu « Service de la Démographie » de 1940-41, qui croise notamment les fichiers militaires de démobilisés avec les fichiers issus du « recensement des activités professionnelles » (AP) effectué en juillet 1941 en zone « non-occupée » (p. 15, note 17). Précisément la grande affaire décrite par Jacquey concerne l’extension éventuelle de ce recensement AP à la zone occupée. Carmille y est vivement opposé, parce que cela mettrait des informations stratégiques sous les yeux de l’ennemi. Jacquey détaille alors la « tactique à laquelle CARMILLE et son service auront recours à diverses reprises, notamment pour traiter le problème du STO et la « question juive » (…)
– accord administratif aux demandes de contrôle individuel, voire cynisme et surenchère technocratique des écrits et des propos,
– exigences préalables souvent impossibles à satisfaire,
– et, au final, non-réalisation des tâches ou réalisation de tâches purement statistiques. » (p. 22)
A titre d’exemple, Jacquey cite une demande de Brinon (délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés) concernant les prisonniers évadés, à laquelle Carmille semble acquiescer, en ajoutant benoîtement qu’ « il conviendra donc de poser les deux questions :
– Avez-vous été prisonnier ?
– Êtes-vous évadé ? »
La cause est entendue, cette énormité proférée par CARMILLE emporte le refus groupé de toute la Commission !
(Au passage, on apprend (p. 42 note 51), à propos du débarquement des Alliés à Alger, que dès le 5 décembre 1942 « le Général d’Armées Prioux, Major-Général des Forces terrestres et aériennes, reconstitue à partir des services du SNS les Bureaux de Recrutement pour les Français de souche, et les Sections Spéciales de Recrutement pour les indigènes, telles qu’elles existaient avant 1940. Ces Bureaux et Sections Spéciales utilisèrent pour la mobilisation le recensement des Activités Professionnelles fait en Afrique du Nord en distinguant Français de souche, Juifs et indigènes. Considéré par de Gaulle comme trop proche du régime de Vichy, Prioux sera écarté de tout rôle militaire en juin 1943.)
Dans la suite de la brochure, Jacquey essaye de comprendre comment les auteurs du rapport Azéma ont pu faire de Carmille « un triste et banal serviteur de Vichy » (p. 28). Il constate d’abord que ceux-ci « avaient décidé de tenir pour nuls et non avenus les témoignages oraux des acteurs, et de ne se fier qu’aux écrits de l’époque » (p. 30). Puis que le témoignage et les archives de Pierre Jacquey sur la mobilisation clandestine avait été cités par Robert Paxton dès 1966 et par le colonel de Dainville, « L’ORA, la résistance de l’armée », dès 1974 (p. 30). Mais que les débats sur le rôle de Carmille avait commencé dès la Libération. Ainsi la demande qu’il soit fait « Compagnon de la Libération » à titre posthume avait été finalement rejetée (p. 33) après d’obscures tractations où Henri Bunle, successeur intérimaire de Carmille à la tête du SNS, joue un rôle trouble. Finalement Xavier Jacquey écrit : « Il m’a fallu un certain temps pour arriver à penser sans réticence que ce pouvait être les historiens auteurs du rapport qui se trompaient. » (p. 38). Mais il convient aussi que « les rapporteurs n’étaient pas de mauvaise foi. Ils avaient été trompés par le camouflage qui avaient été fait des pièces [du] dossier. Tout comme l’avaient été les Allemands et le commun de Vichy par leur « incinération » (p.40). En somme les précautions prises par Carmille se retournaient contre sa mémoire ! « Il y a eu volonté délibérée du service de tromper les autorités de Vichy et les autorités allemandes. Et volonté menée de façon si efficace que 55 ans plus tard des historiens s’y laissent encore prendre ! » (p.62)
Finalement le psychanalyste qu’est Xavier Jacquey attribue à des causes psychologiques les erreurs commises par les rapporteurs, piégés par les camouflages successifs des sources, et par leurs « a priori » de prétendus « experts ». À propos de la persécution des Juifs, il cite d’abord une note de Pierre Jacquey du 8 septembre 1944, après la Libération : « Faisant état de la complexité de ses méthodes de travail et des difficultés plus ou moins imaginaires du moment, le Service National des Statistiques peut écrire avec fierté qu’il n’a jamais fourni aux autorités d’occupation ou à ses collaborateurs une documentation d’un intérêt pratique pour elles ( …). C’est ainsi que jamais des listes nominatives d’Israélites ne furent dressées par ses soins (…) ». Puis il reprend à son compte, à propos du sabotage du fichier du CGQJ, l’analyse d’Edwin Black : « Il a fait traîner pendant deux ans cette exploitation et immobiliser ce fichier nominatif. Il l’a rendu inutilisable à des fins policières, et à terme, en août 1944, il n’a, là encore, produit que des résultats statistiques. CARMILLE et son service ont contribué à ce qu’un nombre probablement important de Juifs échappent aux camps de la mort. » (p. 64). Il produit aussi une intéressante allusion à la fameuse Question n° 11 du recensement AP, sans préciser malheureusement la date et le destinataire de cette mention ; Carmille lui-même y soulignait, ce qui « ne se justifiait en rien en regard du « cahier des charges qui était le sien », le peu de fiabilité cette fois en France des réponses des jeunes gens juifs à ce recensement AP, « attirant l’attention sur une catégorie de citoyens notoirement brimés par une législation d’exclusion ».
En conclusion (p. 69) Jacquey fait cependant part de ses états d’âme : « Et puis l’efficacité de ce type de résistance intérieure était bien difficile à évaluer. (…)
Quelle importance donner à l’immobilisation du fichier des Juifs de zone libre dans le relatif échec en France de la « solution finale » ?
Quel poids les renseignements transmis aux divers services, alliés et français, de Londres et d’Alger ?
Quelle importance les faux papiers ?..
Et si encore ce service, comme d’autres groupes de résistants dont l’action fut partiellement vaine, que ce soit par exemple le réseau CDM ou le maquis du plateau des Glières, avait été l’objet d’une hécatombe. On aurait pu en faire l’histoire. Mais non ! Il avait été prudent et chanceux. Pour 7000 membres, tout juste ( ! ) 18 fusillés et morts en déportation, et si peu ( ! ) sur le nombre en raison des activités du service.
L’histoire de ce service de CARMILLE, l’histoire du moins de sa résistance, parce qu’elle a été une résistance menée de l’intérieur du service et en en respectant le cadre semble comme échapper à la science historique ! Fabrice BARDET l’a longuement signalé dans sa thèse , et Annette WIEVIORKA vient de le rappeler dans Le Monde : l’histoire de CARMILLE et de son service n’a de fait pas été faite. »
Pour ce qui me concerne, la brochure Jacquey confirmait et précisait mon jugement sur René Carmille. Mais elle était inutilisable tant dans le débat public que sur Wikipedia.fr, du fait de son caractère très personnel et de sa diffusion confidentielle.
Sur Internet
En août 2005, peu après ma retraite de fonctionnaire, je m’inscrivais sur wikipedia.fr et inaugurais ma participation en créant l’article « René Carmille », nourri de ma conférence de 2000, c’est à dire en allant jusqu’au « projet Safari » de 1974. Le livre d’Edwin Black était cité dans la rubrique « Voir aussi » sans commentaire. Le 16 novembre, un contributeur détachait le développement consacré au devenir du numéro de Sécurité sociale pour le verser dans l’article « INSEE », si bien que l’article « René Carmille » s’achevait sur son décès à Dachau. L’article de la Wikipedia allemande sera créé en juin 2008, largement adapté de l’article français.
Le 1er septembre 2008, Robert Carmille s’éteignait, sans avoir achevé la biographie de son père à laquelle il travaillait depuis des années. Sa famille mit en ligne (sur Wikisource) les deux brochures éditées en 1995 et 2000.
Quelques semaines plus tard, le 8 novembre 2008, était baptisée la Promotion E.M.C.T.A. N° 32 “ Contrôleur Général CARMILLE ” 2008 – 2009.(L’École militaire du corps technique et administratif (EMCTA) était jusqu’à l’été 2010, une des quatre écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. Une biographie à la gloire du « parrain de la promotion » fut diffusée à cette occasion et mise en ligne. Je ne sais qui en sont les rédacteurs ni quelles sources ils ont consulté, mais je regrettais son manque de rigueur. On y lit ainsi : « Non seulement (Carmille) ne fait rien pour livrer les Juifs aux nazis, mais il établit des milliers de fausses cartes d’identité pour l’organisation du soutien actif aux armées de la Libération. C’est alors à ce niveau qu’il accomplit les tâches les plus délicates au service de sa patrie en organisant dans la zone libre, la formation d’une armée secrète de près de 400 000 combattants dotés de tout le matériel indispensable et prêts à intervenir le moment opportun. » Il y avait là divers amalgames, mais disons « pour la bonne cause ».
Le 17 septembre 2010 était créé un bref et stupéfiant article « René Carmille » sur la Wikipedia anglaise : « René Carmille était un expert en cartes perforées et contrôleur général de l’armée française au début du XXe siècle. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il était agent double pour la Résistance clandestine (underground) et faisait partie du réseau Marco Polo. Il dirigeait le Service de la démographie de Vichy puis le Service national de statistique. Dans cette position, il a saboté le recensement nazi de la France, qui a sauvé un nombre incalculable de Juifs des camps de la mort. Il a également utilisé son Service pour aider à mobiliser la résistance française en Algérie. Il a été arrêté par les nazis et déporté à Dachau où il est mort en 1945. » L’article citait une source, évidemment, « IBM and the Holocaust, Edwin Black, 2001, Crown » et indiquait obligeamment que les wikipedia français et allemand ont des articles plus détaillés.
Le 31 décembre 2011, l’article s’enrichissait du lien vers une video YouTube non moins surprenante, présentant un dessin animé sommaire, intitulé « Interregnum, The First Hacker » La légende précise que ce film (voix de Colm Feore et Nicole Stamp ; animation de Nick Fox-Gieg et Jeanne Stern) était « basé sur la carrière extraordinaire de René Carmille, premier pirate informatique connu de l’histoire. Une grande partie de la bureaucratie de Vichy, y compris le fonctionnement des camps de la mort, était automatisée avec des machines à cartes perforées. Cependant, les nazis n’ont pas compris les vulnérabilités potentielles de la technologie …
Le 25 novembre 2015, une nouvelle référence apparaissait celle d’un article paru en mars d’une revue spécialisée en informatique, » The Institute », décrit Carmille comme un pirate éthique précoce: « En deux ans, Carmille et son groupe ont délibérément retardé le processus en manipulant mal les cartes perforées. Il a également piraté son propres machines, en les reprogrammant de façon à ce qu’elles n’introduisent jamais d’informations de la colonne 11 sur une carte de recensement. <ref name = « Davis »> Amanda Davis, « A History of Hacking. » » The Institute « 6 mars 2015.
Voir le livre de Dwight Harshbarger, A Quiet Hero
Voir aussi sur L’ORA
https://larevuedhistoiremilitaire.fr/2020/03/25/organisation-resistance-armee-ora/
Dès le 11 novembre, au soir de l’invasion de la Zone Sud par les troupes allemandes, le général Verneau, chef de l’Etat-Major de l’Armée de terre (EMA), transmet aux officiers de mobilisation des divisions militaires les instructions suivantes : « détruire les documents relatifs à la mobilisation clandestine ; s’orienter sur la constitution de détachements mobiles d’active avec de petits noyaux de réservistes ; camoufler au maximum les armes individuelles et les munitions ; prévoir la guérilla par petits détachements isolés dans les régions peu accessibles ». Le projet est clair : organiser une véritable armée clandestine.
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