6. Naître un jour quelque part
En racontant les histoires d’Abraham ou de Josué, la Bible fait donc allusion à la nôtre, celle de toute personne dotée de la nationalité d’un Etat de droit, qui homologue notre naissance, notre filiation, et nos changements de nom. Toute mère commence par tomber enceinte. Est père celui qui élève un enfant. « Élever un enfant », c’est une métaphore, « Tomber enceinte », c’est une métaphore. Comme toutes les métaphores, celles-ci sont intemporelles.
Le christianisme réserve la circoncision à la naissance au peuple juif. Il lui substitue le baptême des enfants des deux sexes. Se pose alors le problème de l’autorité, locale ou régionale, impériale ou royale, civile ou cléricale, qui enregistre ce baptême, son lieu, sa date, les noms de l’enfant et des parents. L’histoire des hérésies chrétiennes, arbitrées par les Empereurs byzantins, des démêlés de la Papauté avec l’Empire germanique puis le Roi d’Angleterre, devrait être racontée sous cet angle, ainsi que les déchirements de la Réforme. En France, l’Edit de Villers-Cotterêts donne valeur civile aux registres de baptêmes et de sépultures. Mais il fallut passer par les guerres de religion, par l’Edit de Nantes et sa révocation, pour qu’enfin le transfert des registres des paroisses aux municipalités, en 1792, fonde la République française et sa laïcité.
Baptiser, au sens de « nommer », n’implique plus de baptême ; « régalien », au sens de « pouvoir », n’implique plus de Roi. On le vérifie en Amérique du Nord où l’installation de paroisses tenant registres a conduit à la création des Etats-Unis et du Canada ; on le vérifie en Amérique latine, en Afrique, et ailleurs, où les missionnaires ont répandu la pratique du baptême et de son enregistrement écrit, dont héritent aujourd’hui les nations issues de la décolonisation. L’Église et les églises n’ont jamais fait de la date de la Nativité et de celle de la Résurrection des articles de foi. Elles demandent seulement à leurs fidèles, de croire, dur comme Pierre, que « Jésus est né un jour quelque part ».
Vous aussi, vous êtes né un jour quelque part. Ce sont les déclarations de vos parents, dûment enregistrées par l’état civil républicain, qui en « font foi », comme on dit. La laïcité positive, cela consiste à expliciter les détails de cette pratique et à en tirer les conséquences, quant à vos devoirs envers vos parents, envers vos enfants, envers votre pays. La construction des Etats, condition du développement, commence à l’état civil.
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Démographie, Bible et société
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