Massacres virtuels
L’humour est intrinsèque à la Bible, qui développe inlassablement deux thèmes essentiels de la condition humaine, le secret de la paternité et la relativité des noms. Si Isaac s’appelle « On rira », c’est que chaque naissance, la vôtre en particulier, est à la fois une source de joie mais aussi une source de perplexité : Qui a couché avec qui ? Mon père est-il mon père ? Mon fils est-il mon fils ? Si, à des moments « cruciaux », Abram devient Abraham et Saül de Tarse devient l’apôtre Paul – c’est que tous les noms sont relatifs et dépendent de qui appelle qui. Chaque Père s’appelle d’abord Fils.
Un troisième thème est récurrent : c’est que chaque décision prise est le « sacrifice » des décisions non-prises, y compris par le Destin ou la Providence. Ainsi le sexe, découvert naguère par une sage-femme, aujourd’hui par une échographie, élimine pour les parents l’hypothèse – quelquefois le rêve – d’un enfant de l’autre sexe. C’est de cela dont rend compte, au début de l’Exode, l’épisode où Pharaon ordonne aux sages-femmes la noyade des enfants hébreux mâles, massacre dont Moïse, « sauvé des eaux », va réchapper, grâce à la fille de Pharaon et de Myriam sa sœur.
Ensuite, tout au long de sa croissance et de sa vie, chaque enfant élimine une à une toutes les autres hypothèses qu’ont faites ses parents et qu’il finit par faire lui-même. Cela, c’est le Massacre des Innocents qui en rend compte, les Innocents des deux sexes au lieu des petits garçons hébreux, la Vierge Marie au lieu de la Sœur Myriam, la Sainte Famille de Joseph au lieu des descendants de Joseph et ses frères, la dynastie hérodienne historique et son Temple pharaonique historique au lieu des dynasties pharaoniques historiques et leurs pyramides historiques, Hérodiade la fille d’Hérode – qui obtient sur un plateau la tête de Jean le Baptiste – au lieu de la fille de Pharaon – qui recueille l’enfant futur Législateur dans sa nacelle. (À propos d’Hérodiade, voir aussi « la moitié de mon royaume« , où l’on voit Salomé remettre la tête de Jean-Baptiste à sa mère, comme Myriam remet l’enfant Moïse à leur mère).
Pensez à ce qui s’est passé quand, dans les cas ordinaires, votre mère a annoncé à votre père qu’elle était enceinte de celui ou celle qui serait vous. Comment imaginaient-ils l’enfant que vous alliez être ? Et comment ont-ils fait, pas à pas, le « sacrifice » de tous ceux que vous n’étiez pas ? Et vous, comment avez-vous vécu vos « sacrifices successifs », au moins ceux de tous les métiers que vous n’avez pas faits et des titres que vous n’avez pas obtenus. Par exemple, il est peu d’enfants de « mères juives » qui deviennent le médecin ou l’avocat dont elles rêvent.
Ce parallèle entre Pharaon et Hérode, c’est le pasteur protestant libéral André Gounelle qui le dresse. Il serait difficile de le faire aussi bien à l’église qu’à la synagogue. Mais à l’école ? Pourquoi ne serait-ce pas l’Université laïque qui l’approfondirait?
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MLL en vidéo UTLS, 26 février 2000, « Migrations et tensions migratoires ».
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