Les douleurs de l’enfantement du Messie
En Luc 13, 32, Hérode est qualifié par Jésus de renard ; c’est que Pharaon est un malin, un rusé : en Exode 1,10, préparant la persécution des Hébreux qui va culminer par la noyade des petits garçons, il s’écrie lui-même : « Allons! montrons-nous habiles (rusés) envers ce peuple« . Il importe peu que le Hérode du procès de Jésus ne soit plus celui de sa naissance. Nous avons affaire à une dynastie, comme pour Pharaon.
Le Massacre des Innocents est donc une élaboration midrashique calquée sur le meurtre des nouveaux-nés mâles et la noyade finale de l’armée de Pharaon dans la Mer Rouge, mais cela n’explique pas pourquoi le texte de Matthieu 2 se réfère à une citation très particulière de Jérémie :
16 Alors Hérode, voyant qu’il avait été joué par les mages, se mit dans une grande colère, et il envoya tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethléhem et dans tout son territoire, selon la date dont il s’était soigneusement enquis auprès des mages.
17 Alors s’accomplit ce qui avait été annoncé par Jérémie, le prophète:
18 On a entendu des cris à Rama, Des pleurs et de grandes lamentations: Rachel pleure ses enfants, Et n’a pas voulu être consolée, Parce qu’ils ne sont plus.
Chacun sait que Rachel meurt à Bethléem en mettant au monde Benjamin. Le texte de cette Mort/Naissance évoque précisément « les douleurs de l’enfantement » (Genèse 35, 16-19) :
16 Ils partirent de Béthel; et il y avait encore une certaine distance jusqu’à Ephrata, lorsque Rachel accoucha. Elle eut un accouchement pénible;
17 et pendant les douleurs de l’enfantement, la sage-femme lui dit: Ne crains point, car tu as encore un fils!
18 Et comme elle allait rendre l’âme, car elle était mourante, elle lui donna le nom de Ben-Oni; mais le père l’appela Benjamin.
19 Rachel mourut, et elle fut enterrée sur le chemin d’Ephrata, qui est Bethléem.
Jérémie évoque Rachel à propos du retour du peuple d’Israël à sa terre, qui fusionne de même exultation et affliction.
2 Dès les temps reculés, l’Eternel s’est montré à moi; oui (disait-il) je t’aime d’un amour impérissable, aussi t’ai-je attirée à moi avec bienveillance. 3 De nouveau je t’édifierai et tu seras bien édifiée, vierge d’Israël; de nouveau tu iras, parée de tes tambourins, te mêler aux danses joyeuses. 4 De nouveau tu planteras des vignes sur les coteaux de Samarie, et ce qu’auront planté les vignerons, ils en recueilleront le fruit. 5 Oui, il viendra un jour où les sentinelles s’écrieront sur la montagne d’Ephraïm Debout! Montons à Sion vers l’Eternel, notre Dieu! » 6 En vérité, ainsi parle l’Eternel: « Eclatez en chants joyeux au sujet de Jacob, en cris d’allégresse au sujet de la première des nations; publiez à voix haute des louanges et dites: Assure, ô Seigneur, le salut de ton peuple, des derniers restes d’Israël! 7 Oui, je veux les ramener de la région du Nord, les rassembler des extrémités de la terre; l’aveugle même et le boiteux, la femme enceinte et l’accouchée se joindront à eux: en grande foule, ils reviendront ici. 8 Avec de (douces) larmes ils reviendront et de touchantes supplications; je les dirigerai, je les conduirai vers des sources abondantes, par une route unie, où ils ne pourront glisser; car je suis pour Israël un père, Ephraïm est mon premier-né. » (…) 12 Alors, la jeune fille prendra plaisir à la danse, adolescents et vieillards (se réjouiront) ensemble; je changerai leur deuil en allégresse et en consolation, et je ferai succéder la joie à leur tristesse.13 Je rassasierai les prêtres de victimes grasses, et mon peuple sera comblé de mes biens, dit l’Eternel.14 Ainsi parle le Seigneur: « Une voix retentit dans Rama, une voix plaintive, d’amers sanglots. C’est Rachel qui pleure ses enfants, qui ne veut pas se laisser consoler de ses fils perdus! 15 Or, dit le Seigneur, que ta voix cesse de gémir et tes yeux de pleurer, car il y aura une compensation à tes efforts, dit l’Eternel, ils reviendront du pays de l’ennemi. 16 Oui, il y a de l’espoir pour ton avenir, dit le Seigneur: tes enfants rentreront dans leur domaine. 17 J’entends bien Ephraïm se désoler: « Tu m’as corrigé et j’ai accepté la correction, tel un bouvillon indompté: accueille-moi de nouveau, je reviens à toi; car toi seul, Eternel, seras mon Dieu. 18 Oui, rentré en moi-même, je me suis repenti; éclairé sur mes fautes, je me suis frappé la poitrine, je reconnais avec honte et confusion que j’expie l’opprobre de mes jeunes années. « 19 Ephraïm est-il donc pour moi un fils chéri, un enfant choyé, puisque, plus j’en parle, plus je veux me souvenir de lui? Oh! oui, mes entrailles se sont émues en sa faveur, il faut que je le prenne en pitié, dit l’Eternel. » 20 Aie soin de dresser des signaux, érige-toi des poteaux indicateurs; fais bien attention à la chaussée, au chemin que tu as suivi. Reviens, ô vierge d’Israël, reviens dans ces villes qui sont les tiennes. 21 Jusques à quand vagueras-tu de côté et d’autre, fille désordonnée? Assurément l’Eternel crée une nouveauté sur terre: la femme se mettant en quête de l’homme! (…)
La naissance de Moïse « sauvé des eaux » implique le meurtre par Pharaon des petits garçons, la sortie d’Egypte des Enfants d’Israël implique que les troupes de Pharaon soient englouties, leur retour sur la Terre Promise implique des larmes des mères, mêlées de tristesse et de joie, et la naissance du Messie implique un massacre, par celui qui – historiquement – a arraché le sceptre de Juda (Macchabée), trangressant la bénédiction de Jacob pour Juda (Genèse 49, 10).
Le sceptre ne s’éloignera point de Juda, Ni le bâton souverain d’entre ses pieds, Jusqu’à ce que vienne le Schilo, Et que les peuples lui obéissent.
Reste à comprendre l’insistance du texte à parler du chemin d’Ephrata, plus que de Bethléem. De même, Jérémie parle avec insistance d’Ephraïm (Rama est sur « la montagne d’Ephraïm). Ephrata, AFRTH, et Ephraïm, AFRYM, sont formés sur AFR, Efer, avec un Aleph, cendre, proche de OFR, ‘Afar, avec un ‘Ayin, poussière.
Genèse 18, 27 : Abraham reprit, et dit: Voici, j’ai osé parler au Seigneur, moi qui ne suis que poussière et cendre (OFR WAFR ‘Afar veEfer). A rapprocher de (Genèse 3, 19): KY OFR ATH WAL OFR TSWB Ky ‘Afar Ata veel ‘Afar Tachouv Car tu es poussière et à la poussière tu retournes.
Mais la racine FR est aussi, comme en français, celle de FRY, Peri, le fruit. Et d’ailleurs le nom d’Ephraïm est justifié par la fertilité de Joseph (Genèse 41, 52)
Et il (Joseph) donna au second le nom d’Ephraïm, car, dit-il, Dieu m’a rendu fécond (HFRNY, Hifrany) dans le pays de mon affliction.
Les Innocents massacrés, ce ne sont donc pas tant les enfants qui meurent trop jeunes sans avoir commis la moindre faute, ni les fruits qui n’ont pas germé, ni les grains qui meurent en terre, que, plus généralement, ceux que Dieu n’a pas choisi de faire naître, ceux que vous n’êtes pas mais que vous auriez pu être, si un autre spermatozoïde de votre père avait fécondé, à un autre moment, un autre ovule de votre mère.
Paru depuis la rédaction de cette série :
Christian-Georges Schwentzel : Hérode le Grand, Pygmalion, 2011
Voir aussi : Sur le massacre des Innocents
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