Soleil, Lune et Grossesse
Le 25 Kislev, neuvième mois lunaire, est la date de la fête juive de Hanoukah, inconnue de la Bible hébraïque, et issue des livres des Macchabées. Après le rappel des conquêtes d’Alexandre le Grand, qui à sa mort les répartit entre ses généraux « et leurs fils après eux« , 1Mc 1-10 annonce « Il sortit d’eux un rejeton impie, Antiochus Epiphane » qui pille le Temple et se livre à de graves profanations. Versets 54, 57 et 59-61 : « Le quinzième jour de Kisleu en l’an 145, le roi construisit l’Abomination de la désolation sur l’autel des holocaustes et, dans les villes de Juda circonvoisines, on éleva des autels. Découvrait-on chez quelqu’un un exemplaire de l’Alliance, ou quelque autre se conformait-il à la Loi, la décision du roi le mettait à mort. Le 25 de chaque mois, on sacrifiait sur l’autel dressé sur l’autel des holocaustes. Les femmes qui avaient fait circoncire leurs enfants, ils les mettaient à mort, suivant l’édit, avec leurs nourrissons pendus à leur cou, exécutant aussi leurs proches et ceux qui avaient opéré la circoncision« .
La mention du « 25 de chaque mois », associée au rite de la circoncision, attire l’attention. La lune brille 26 nuits d’affilée dans le ciel, et s’absente trois ou quatre nuits. Il est logique de commencer à observer sa disparition dès le 25ème jour. La célébration mensuelle de la Nouvelle Lune (RAS EDS, Roch ‘Hodech, tête du mois, en utilisant le E pour transcrire le Het hébreu, et laisser le H transcrire le Hé) est toujours inscrite au rituel des synagogues et on sait que, pour fixer le calendrier, l’observation mensuelle du Nouveau Croissant était une responsabilité importante des prêtres de Jérusalem, dont l’observation musulmane du début du Ramadan donne aujourd’hui une idée. Que des païens aient imposé leur propre rite à la célébration d’un cycle naturel est compréhensible. Mais la proximité du cycle féminin et du cycle lunaire, de l’absence de lune et de l’absence de règles, signe de grossesse, et aussi ce qu’on sait des cultes païens des déesses de la fécondité, rend vraisemblable que ce rite ait été dédié à quelque dieu lunaire ou à quelque déesse de la fécondité.
Le deuxième livre des Macchabées, écrit directement en grec, commence, lui, par des épîtres adressées de Jérusalem aux Juifs d’Égypte pour leur demander de célébrer la fête du 25 Kislev. Ils relient la purification du Temple à une profanation antérieure. 2Mac 10-6 : « Le jour où le Temple fut profané par des étrangers fut lui-même le jour de la purification du temple, le 25 de cette lunaison, celle de Kislev. Ils fêtent dans la joie huit jours. » Kislev est la neuvième lune, quand on commence par celle de printemps, Nisân. Or, dans l’optique précédente du désir de maternité, à la fin du neuvième mois de grossesse, une femme enceinte attend la naissance d’un enfant. Le Ramadan est aussi le neuvième mois du calendrier musulman.
Mais dans la tradition juive, Hanoukah, ENWKH, ne commémore pas une naissance. La date du 25 Kislev, et la durée de la fête, huit jours, commémorent une inauguration, une « dédicace ». 1Macchabées 4-52 à 59 : » le 25 du neuvième mois, qui est le mois de Kislev, de l’an 148, ils offrirent un sacrifice, conformément à la Loi » … » Ils firent la dédicace de l’autel pendant huit jours » … » Judah, avec ses frères et toute l’assemblée d’Israël, statua que les jours de la dédicace de l’autel seraient célébrés en leur temps chaque année pendant huit jours, à partir du 25 du mois de Kislev, avec joie et allégresse. «
L’intervention divine dans la procréation est un thème récurrent de la Bible que rappellent les personnages de Sarah, mère d’Isaac, de Rébecca, mère de Jacob et d’Esaü, de Hanna, mère de Samuel, et la mention par Luc d’« Elisabeth qu’on appelait la stérile ». Il y a sans doute une analogie entre la « récupération » de cultes païens de la fécondité que fera souvent l’Église, en les détournant vers la Vierge Marie, avec celle que la dynastie hasmonéenne, à la légitimité contestée comme le sera celle des Bonaparte, a probablement opéré à partir d’un culte païen populaire. Hanoukah devient une fête nationale – occasion d’exalter les exploits militaires de Judah Maccabée et d’inscrire le nouveau rite dans la continuité de pratiques antérieures, celle de Néhémie, restaurateur du Second Temple, du roi Salomon, constructeur du Premier Temple, et de Moïse, qui avait inauguré le Tabernacle du Désert. La popularité de la fête conduira plus tard les rabbins du Talmud à justifier Hanoukah par le miracle de la fiole d’huile, qui permet au chandelier du Temple purifié de brûler huit jours (Chabbat 21b), miracle qui s’inspire de celui de la conservation du feu qui brûlait sur l’autel du Temple de Salomon, pendant toute la durée de l’exil (2Mc 1-33 à 36). Petit clin d’œil de l’histoire, tel qu’il est rapporté, ce miracle est lié à la présence de … pétrole, source de revenus pour le roi de Perse. Et les commentateurs d’observer que le mot ‘Or, AWR, Lumière (YHY AWR, Yehi ‘Or, Que la Lumière soit) est le 25ème de la Torah….
La durée de huit jours, elle, est directement reprise de l’inauguration du Premier Temple par Salomon (1Rois, 8, 65-66). Quant au mot Hanoukat, ENKT, il est utilisé pour la Dédicace du Tabernacle dans le désert au chapitre 7 des Nombres. La date de l’inauguration est le 1er Nisân. Exode 40,2 : « Le premier jour du premier mois, tu dresseras la Demeure (Michkan, MSKN), la Tente du Rendez-vous« . En Nisan, au printemps, il y a le 1er l’Inauguration du Tabernacle, le 10 le choix de l’agneau pascal et le 15 commence Pessah’. En Tichri, à l’automne, il y a le 1er Roch Hachanah, le 10 Yom Kippour et le 15 commence Soukkot. Selon une tradition rabbinique, la création d’Adam, le Sixième jour, eut lieu à Roch Hachana, vendredi 1er Tichri, septième mois. Alors la Lumière a été créée le Premier Jour, dimanche 25 Eloul, sixième mois, le mois lunaire d’Eloul ayant 29 jours. Une question discutée est pourtant de savoir si la Création du monde eut lieu en Tichri, à l’automne, ou en Nisân, au printemps. Dans cette dernière hypothèse, le Premier Jour de la Création serait le 25 Adar, mois précédant celui de Nisân.
Ce décompte suppose évidemment que le « mois » précédant la Création de l’Homme ait 29 jours. Mais surtout, il repose sur un compte « à rebours ». Le 25 du mois, c’est le sixième jour avant le 1er jour de l’Homme, tout comme le 25 décembre, jour de la Nativité, est le huitième jour avant le 1er janvier, jour de la Circoncision … Ce qui ramène à la pratique féminine de compter les jours jusqu’aux règles, ou jusqu’au terme de la grossesse. Les auteurs présentant la calendrier romain qui précédait le calendrier julien s’étonnent souvent de la pratique romaine de compter à l’envers, les jours restant à courir jusqu’aux Calendes, jusqu’aux Ides, jusqu’aux Nones… On voit bien que ce sont des hommes… Cette façon de compter est universelle, mais elle fut d’abord celle des femmes. Notre fameuse année « bissextile », nommée d’après le bis sextus, le « deuxième sixième » jour avant les Calendes de mars, s’explique certainement de la même façon. En comptant rétrospectivement les années « avant Jésus-Christ », en décomptant les jours de l’Avent (jeu de mots entre « Avant », auparavant, et « Event », événement « éventuel »), nous ne faisons que généraliser ce qu’ont fait, font et feront toutes les futures mères, compter les jours de retard de leurs règles, et ce qu’ont fait, font et feront tous les futurs parents, compter les jours et prier le Ciel jusqu’à une heureuse délivrance.
Voir aussi :
Questions sur les Maccabées
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La Bible hébraïque présentée, traduite (8 versions) sur JUDÉOPÉDIA
et commentée sur le blog
Démographie, Bible et société
En hébreu dans le texte
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