De Budapest et Suez, les premiers réfugiés et « rapatriés »
(site du CICR)
En Europe de l’Est, 1956, c’est d’abord l’année de la destalinisation, l’année du XXe Congrès du Parti communiste d’URSS, réuni du 17 au 24 février, et au cours duquel Nikita Khrouchtchev présente son fameux rapport sur les crimes de Staline.
Les répercussions de ces révélations ne se font pas attendre, notamment en Pologne où, dès le mois d’avril 1956, des milliers de prisonniers politiques sont libérés. Parmi eux, Wladyslaw Gomulka, ancien secrétaire général du parti communiste polonais « parti ouvrier unifié polonais » (POUP) de 1943 à 1948, qui avait été limogé en 1948 pour « déviation droitière et nationaliste », puis incarcéré en 1951.
Sept mois plus tard, le 20 octobre 1956, Gomulka est élu premier secrétaire du POUP. La nouvelle fait sensation à Budapest et, le 23 octobre 1956, des dizaines de milliers de Hongrois manifestent devant la statue du général Bem héros polonais de la révolution hongroise de 1848.
Ils se dirigent ensuite vers l’appartement d’Imre Nagy, ancien partisan de Béla Kun, qui avait vécu en exil à Moscou jusqu’en 1944, date à laquelle il était revenu en Hongrie avec les troupes soviétiques. Il avait été successivement ministre de l’Agriculture, ministre de l’Intérieur, président de l’Assemblée nationale et président du Conseil avant d’être limogé, en janvier 1955.
Devant l’ampleur de la manifestation en faveur de Nagy, les dirigeants hongrois le nomment séance tenante président du Conseil, mais cela ne suffit pas à calmer la foule ; des premiers coups de feu éclatent et, le lendemain, 24 octobre, la grève générale est déclenchée. À 9 heures du matin, Radio-Budapest annonce la proclamation de l’état de siège ; en vertu de ce décret, tout fauteur de trouble est passible de la peine de mort. En outre, dans un deuxième communiqué, la radio annonce que « les organismes gouvernementaux ont demandé l’aide des troupes soviétiques stationnées en Hongrie, conformément au traité de Varsovie. Répondant à l’appel du gouvernement, les troupes soviétiques prennent part au rétablissement de l’ordre ». Des soldats et officiers hongrois notamment le général Maleter passent alors aux côtés des insurgés ; dès la fin de la matinée, il apparaît que les troupes soviétiques ne peuvent plus compter que sur l’appui des membres de l’AVH (la police de sécurité). János Kadar est nommé premier secrétaire du parti communiste hongrois à la place d’Ernöst Gerö. Dans les jours qui suivent, les combats s’intensifient ; les insurgés, pratiquement désarmés, affrontent les forces gouvernementales hongroises et les blindés soviétiques à coups de cocktails Molotov ; des comités révolutionnaires prennent le pouvoir dans les villes de province.
Le 28 octobre, Imre Nagy donne l’ordre de cesser le feu aux forces gouvernementales ; il annonce qu’un accord a été conclu avec les autorités soviétiques sur le retrait de leurs troupes stationnées en Hongrie ; il prononce la suppression du système du parti unique et fait libérer des détenus politiques, notamment le cardinal József Mindszenty. La révolution paraît triompher.
La plupart des villes de province sont aux mains des insurgés. Györ, où un conseil national provisoire s’est constitué sous la direction d’Attila Szigethy, membre du parti paysan et député au Parlement, devient le centre de ralliement des insurgés.
Mais, à Budapest, le retrait des forces soviétiques traîne en longueur ; la plupart des insurgés ne déposent pas les armes et la chasse aux membres de l’AVH commence.
Le 31 octobre, nouveau revirement de la situation: les troupes soviétiques occupent tous les aéroports hongrois et encerclent Budapest ; devant cette manoeuvre, Imre Nagy, qui a pris le portefeuille des Affaires étrangères, proclame la neutralité de la Hongrie et son retrait du pacte de Varsovie. János Kadar disparaît. Cependant, les autorités militaires soviétiques acceptent, le 3 novembre, de discuter avec des représentants des forces armées hongroises, notamment le général Maleter, héros de l’insurrection ; mais les négociateurs hongrois sont arrêtés pendant la discussion. Le lendemain, Imre Nagy annonce à la radio que les troupes soviétiques attaquent Budapest ; c’est sa dernière intervention publique ; il se réfugie à l’ambassade yougoslave alors que Kadar et trois anciens ministres diffusent une « lettre ouverte » annonçant qu’ils ont constitué un « gouvernement révolutionnaire ouvrier et paysan » qui a demandé l’aide des forces soviétiques.
Le dimanche 4 novembre 1956, le Conseil de sécurité des Nations Unies se réunit d’urgence mais le veto soviétique empêche l’adoption d’un projet de résolution, soutenu par neuf membres du Conseil, qui aurait invité Moscou à retirer ses forces sans délai. Ce veto soviétique va paralyser toute tentative de l’ONU d’intervenir en Hongrie.
Des combats acharnés se déroulent entre les insurgés, d’une part, la police hongroise et l’armée soviétique, d’autre part. En quelques heures, les forces soviétiques occupent les principaux points stratégiques de Budapest et, dans les jours qui suivent, elles occupent le reste du pays. Les documents publiés par les autorités hongroises de l’époque feront état de 2 700 morts et 20 000 blessés ; à Budapest 8 000 logements ont été totalement détruits et 35 000 partiellement, notamment en raison des tirs d’artillerie.
Le 22 novembre 1956, Imre Nagy sort de l’ambassade de Yougoslavie ; il est arrêté, sera condamné à mort et exécuté en juin 1958.
L’écrasement de l’insurrection hongroise est suivi d’une vague d’arrestations, de déportations et d’exécutions, ainsi que par l’exode massif des Hongrois vers l’Autriche et la Yougoslavie.
Alors que la situation entre Israël et ses voisins arabes est très tendue, les troupes britanniques stationnées dans la zone du canal de Suez quittent l’Égypte, le 18 juin 1956, conformément à l’accord conclu, en octobre 1954, entre ce pays et le Royaume-Uni.
Un mois plus tard, soit le 19 juillet 1956, les États-Unis annoncent à l’Égypte que, contrairement à ce qui était prévu, ils ne lui accordent pas le prêt de plus de 50 millions de dollars pour la construction du grand barrage d’Assouan ; le lendemain, le Royaume-Uni et la Banque mondiale renoncent également à accorder un prêt à l’Égypte.
Le 26 juillet, le colonel Nasser, chef de l’État égyptien, nationalise le canal de Suez et prend la tête du mouvement nationaliste arabe.
Pourtant, à la fin du mois d’octobre 1956, ce sont les événements de Hongrie qui retiennent l’attention générale.
Mais la situation change brusquement le 29 octobre : en accord avec le Royaume-Uni et la France, Israël attaque l’Égypte, ses troupes pénètrent dans la bande de Gaza et dans le Sinaï, alors que les gouvernements de Londres et Paris, dans un ultimatum daté du 30 octobre, menacent d’occuper la zone du canal de Suez.
Cependant, l’armée israélienne continue son avance, poursuit les troupes égyptiennes dans le Sinaï, les aviations française et britannique bombardent les aéroports égyptiens.
Le 5 novembre, les Israéliens occupent la bande de Gaza et le Sinaï jusqu’à Charm el-Sheikh. De leur côté, les troupes françaises et britanniques débarquent à Port Fouad et à Port-Saïd, puis progressent le long du canal.
En lançant cette guerre contre l’Égypte, Israël espérait mettre fin aux attaques de groupements palestiniens, dont les principales bases opérationnelles se situaient dans la bande de Gaza et dans le Sinaï. Pour les Français, il s’agissait avant tout de priver l’insurrection algérienne du soutien de l’Égypte, alors que le Royaume-Uni entendait freiner la montée du nationalisme arabe et reprendre le contrôle du canal.
Mais, le 2 novembre, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte une résolution demandant le cessez-le-feu immédiat et, le 5 novembre, elle vote la création d’une force d’urgence chargée d’assurer et de superviser la cessation des hostilités. Le 7 novembre, sous la pression des États-Unis et de l’Union soviétique, les belligérants acceptent le cessez-le-feu ; celui-ci prévoit que les troupes franco-britanniques seront remplacées par la force d’urgence des Nations Unies ; cette relève s’achève le 24 décembre 1956, Israël garde ses positions dans la bande de Gaza et sur le golfe d’Akaba jusqu’en mars 1957, date à laquelle ses troupes se retirent et sont remplacées par un contingent de l’ONU.
Durant les combats, les Israéliens ont capturé plus de 5 000 prisonniers de guerre égyptiens, alors que l’Égypte, qui détient quatre militaires israéliens, expulse des milliers de juifs, ainsi que des étrangers notamment des ressortissants du Royaume-Uni vivant sur son territoire. Enfin, la population civile des territoires occupés par Israël subit également les conséquences de la guerre.
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